Le robot qui innove dans la thymectomie

Le premier cas de thymectomie avec évolution favorable a été constaté en 1939.

A une certaine époque, on pratiquait la thymectomie quasi systématiquement sur les nouveaux cas de myasthénie; puis on s’est rendu compte qu’elle n’était pas toujours bénéfique et parfois la myasthénie s’aggravait après l’opération. Une étude randomisée est en cours pour évaluer l’utilité de la thymectomie.

Le 25 mai dernier, le Professeur Christine Tranchant neurologue et le Docteur Nicola Santelmo chirurgien thoracique à l’hôpital de Strasbourg sont venus nous présenter à l’Institut de myologie l’utilisation du robot Da Vinci dans les thymectomies. L’hôpital de Strasbourg réalise cette opération via le robot depuis 2008.

Olivier Freund du service scientifique de l’AFM a organisé cette rencontre sous l’impulsion de notre groupe; en effet, c’est la maman d’une jeune myasthénique de 12 ans opérée par le Dr Rückert à Berlin en 2006 avec le robot qui nous avait fait part des bénéfices de cette opération sur sa fille.

Voici ce que nous avons retiré de cette rencontre.

    1. BENEFICE ET L’EFFICACITE DE LA THYMECTOMIE

Quand elle est indiquée, la thymectomie doit être précoce et complète pour être efficace et bénéfique.

La thymectomie n’est pas toujours complète parce que le thymus n’est pas toujours facile d’accès; la région est profonde et il est difficile de l’atteindre. Des ilots atypiques sont présents dans 24% des cas, et la graisse péricardique n’est pas enlevée dans 35% des cas. Ceci expliquerait l’absence de résultats escomptés dans certains cas.

On considère qu’au début de la maladie le thymus est le seul endroit où se développent les anticorps ; ainsi, plus la thymectomie est précoce, plus le bénéfice est important.

2. MODES OPERATOIRES

Traditionnellement, la thymectomie se pratique de plusieurs façons possibles : La sternotomie, la cervico manubriotomie, la thoracoscopie bilatérale avec plusieurs orifices, la thoracoscopie couplée à la cervicotomie.

Le robot Da Vinci apporte une innovation dans la pratique de la thymectomie. Cependant, si le thymome fait plus de 2 cm, on réalise plutôt une chirurgie classique.

L’Italie et l’Allemagne utilisent beaucoup le robot. En France, il en existe à Toulouse, Paris, Lyon, Bordeaux et Strasbourg, mais on s’en sert généralement pour de la chirurgie urologique, cardiaque, abdominale, orthopédique, ORL.  Pour l’instant à notre connaissance, seul celui de Strasbourg pratique des thymectomies. Une formation diplômante spécifique à l’IRCAD (Institut de Recherche contre les Cancers de l’Appareil Digestif) de Strasbourg est nécessaire pour l’utiliser.

3. DEROULEMENT DE L’OPERATION

Le chirurgien opère depuis une console d’où il manœuvre les 2 bras opératoires. Une optique insérée dans le thorax via un des 3 orifices (5 cm chacun) pratiqués sur le côté gauche permet d’assurer la vision.
Il n’y a pas de sang et dans le cas contraire, on arrête l’intervention par manque de visibilité, puis on modifie pour une chirurgie classique. Une fois détaché, on met le thymus entier dans un sac et on le retire du corps.

4. BILAN TRES POSITIF

  • L’hôpital de Strasbourg pratique environ une thymectomie par mois. Le recrutement des patients est difficile et explique ce petit nombre.
  • Il n’y a pas eu de complication ni per, ni post opératoire, il n’y a pas eu de conversion non plus (le chirurgien n’a pas été obligé de recourir aux modes opératoires traditionnels).
  • On peut arrêter le robot en cas d’urgence et un chirurgien est déjà prêt à intervenir pour une chirurgie classique.
  • Au début l’opération durait 3 fois plus longtemps. Actuellement c’est 1,3 fois.

Etudes sur l’intérêt de l’opération par robot :

Une étude comparative avec la sternotomie et l’opération avec le robot a été effectuée à Strasbourg entre janvier 1998 et mars 2010. L’étude a concerné 21 malades ayant une hyperplasie thymique : 15 avec sternotomie et 6 (sur 14) avec le robot, de manière à avoir au moins un an de recul.
Les 2 groupes sont comparables en âge, sexe, score de myasthénie, etc.

  • L’amélioration à un an a été identique pour les deux types d’opération,
  • Le séjour en réanimation a été également identique,
  • Il n’y a pas eu de complication avec le robot et très peu avec la sternotomie,
  • Les thymus avaient la même dimension et la sternotomie ne les enlevait pas mieux
  • La durée d’intervention est encore un peu supérieure avec le robot (1h et demie maximum contre 1h, mais cela dépend de l’entrainement du chirurgien),
  • Le drainage se fait pendant 3 jours pour la sternotomie contre 1 jour pour l’opération avec le robot,
  • Les patients sont restés hospitalisés 9 jours pour la sternotomie contre 5 jours pour le robot,
  • On a constaté moins de douleur, moins de séquelles esthétiques, peu de perte hématique avec le robot,
  • Les patients ont repris le travail plus rapidement après l’opération avec le robot : 1 à 2 semaines contre 1 à 2 mois pour la sternotomie.

En mars 2011, le Dr Rückert a également publié une étude rétrospective de cohorte allemande : 74 cas de thoracoscopies effectuées par le robot et 79 thymectomies par thoracoscopie ont été pratiquées entre 1994 et 2006 : après un suivi de 42 mois, le taux de rémission est de 20 % dans la sternotomie contre 40% dans la thymectomie thoracospopique par le robot.

Le principal problème au développement de l’utilisation du robot Da Vinci en France réside dans son coût d’achat et son coût d’utilisation; il nécessite également une organisation administrative et logistique.

Des questions se posent :

  • La sécurité sociale remboursera-t-elle l’opération d’un patient d’une autre région ?
  • L’hôpital de Strasbourg pourra-t-il assurer toutes les thymectomies ?
  • L’hôpital de Strasbourg doit utiliser le robot jusqu’à une certaine limite pour ne pas perdre de l’argent. Le recours à un STIC* permettrait de dépasser cette limite et de passer la procédure au niveau national. De plus, grâce au STIC, on évaluerait la possibilité d’utiliser 2 ou plusieurs centres pour toutes les thymectomies de France, mais cette procédure est très longue. elle prend au moins un à deux ans.
  • Est-ce que la diminution des coûts sur la durée d’hospitalisation, les médicaments, etc. peuvent compenser le coût de l’intervention?

Comme le robot est beaucoup utilisé en Hollande et en Allemagne, l’analyse de l’impact socio-économique dans la myasthénie pourrait se faire par le biais d’une étude multicentrique européenne. D’autre part, l’hôpital pourrait envisager de recourir à un financement européen. Il existe des STIC européens.

5. CONCLUSION

La thymectomie réalisée par le robot est plus acceptable par les patients à tous les niveaux. Les avantages soulevés par le mode opératoire et le suivi opératoire pourraient inciter les patients concernés à franchir le pas. en effet, ils sont souvent jeunes, la maladie est récente, ils n’ont pas de thymome et ils refusent l’opération par sternotomie.

A suivre donc …

La photo d’une jeune fille opérée par le robot Da Vinci. On peut le constater, il faut deviner les cicatrices…

6. POUR EN SAVOIR PLUS SUR LE ROBOT

Ses caractéristiques techniques :

  • Le robot travaille avec une précision supérieure à la main humaine,
  • Il dispose d’un filtre pour les tremblements des mains,
  • Le mouvement peut être démultiplié par 10 (1cm égal un mouvement de 1mm),
  • Chaque instrument a 7 degrés de liberté de mouvement,
  • La vision est en 3 dimensions agrandie.

Quelques chiffres sur le robot Da Vinci de Strasbourg :
Le robot Da Vinci de Strasbourg a été acheté par l’hôpital  en 2006, il a coûté 1,6 million d’euros à l’achat, son coût de maintenance est de 150 000 euros par an et il coûte 600 000 euros par an au budget de l’hôpital (chaque acte a un coût moyen de 4000 euros, remboursé 4 à 500 euros par la Sécu), l’opération nécessite une occupation du bloc d’une durée de 3h, mais le temps d’occupation diminue avec la pratique et l’expérience.

L’hôpital de Strasbourg pratique 150 opérations par an, 14 thymectomies ont été pratiquées dans cet hôpital depuis novembre 2008.

 

*STIC : programme de soutien aux technologies innovantes couteuses qui est un appel d’offres permettant de financer ces interventions.

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